4 Analyse de la performance educative par la segregation educative (enquete PISA)

« L’institution scolaire est à la fois considérée comme une source potentielle d’amélioration de la situation des plus démunis ainsi que comme un outil de reproduction des inégalités. » Bourdieu et Passeron, 1970.

Un essai de définition du concept d’équité pour comprendre la justice sociale dans le domaine de l’éducation, n’est pas simple. Il faut prendre en compte le fait que toutes les différences ne sont pas des inégalités, et que toutes les inégalités ne sont pas injustes. On peut reprendre la définition du rapport de 1996 du Conseil d’État français qui précise que « l’équité consiste en l’occurrence à définir des critères de choix objectifs, de nature scientifique ou personnelle, permettant d’affiner et en quelque sorte, d’humaniser l’universalisme de l’égalité (1997, p. 63).

Il est considéré par tous que les inégalités liées au niveau socioéconomiques de départ créent des exclusions des plus défavorisés à l’entrée du système scolaire. De ce fait, on souhaite les compenser pour avoir une meilleure justice sociale. A partir de ce vœu pieu, comment peut-on compenser cette injustice sociale ? « En jouant sur la motivation des élèves, sur leurs capacités cognitives à l’entrée, sur le soutien familial, sur la qualité des établissements et des enseignants ? » Et même si on arrive à répondre à cette question, quels seraient les moyens mis en place ? Par conséquent, on peut mieux ressentir le besoin de passer d’une logique d’égalité de traitement à une logique d’égalité des résultats. D’où l’importance des enquêtes internationales pour donner des indicateurs sur l’équité éducative.

Nous allons essayer de comprendre comment sont construit les indicateurs d’équité du GERESE (Groupe Européen de Recherche sur l’Équité des Systèmes Éducatifs) et ensuite nous essayerons de mettre en relief les processus éducatifs inéquitables que sont les mécanismes de ségrégation scolaire.

Les indicateurs en matière d’équité

Le recours aux indicateurs pour déterminer une politique éducative nationale était, avant, peu utilisées, mais aujourd’hui la plupart des pays européens utilisent ces indicateurs en matière d’équité et ils ont même été incorporé aux objectifs du Traité de Lisbonne en 2006.

La construction des indicateurs va se baser sur différentes dimensions. Par exemple, on va tenir compte de la notion de groupes sociaux qui peuvent être facilement identifiables tel que filles et garçons, les étrangers et les natifs, les catégories socioprofessionnelles des parents, dans cette dimension l’individu en tant que tel ne peut rien y faire, il fait partie de ce positionnement. Une autre dimension va être la prise en compte du seuil de pauvreté établie par le pays, car considérée comme un seuil inacceptable d’injustice. Enfin, on va tenir compte d’une dimension interne à l’école sur les établissements, les enseignants et les résultats scolaires.

La méthodologie suivie sera une définition de la notion de ségrégation et des dimensions prisent en compte, sur la base de données internationales PISA 2006 (élève de 15 ans). A travers une comparaison entre les différents états avec un focus sur les pays scandinaves qui apparaissent les moins ségrégationnistes.

Delvaux (2005), définit la ségrégation comme la « traduction de différences sociales dans l’espace, » en se positionnant sur le fait qu’elle « se manifeste dès que les individus, classés par la société dans des catégories sociales distinctes, dotées d’une valorisation sociale différenciée, se trouvent séparés dans l’espace et sont ainsi amenés à peu se côtoyer » (p. 276). Les espaces sociaux, ici sont les écoles qui vont être l’unité d’analyse. Afin de mieux comprendre, nous reprendrons la distinction ségrégationniste de Demeuse et Baye (2005), qui parlent de ségrégation académique des lèves (taux de retard e réussite inégale aux différentes épreuves) et de ségrégation sociale, en fonction des caractéristique non scolaires des élèves (sexe, nationalité, niveau socioéconomique...).

Les résultats

Dans un premier temps, on va se focaliser sur la ségrégation académique. Les six premières colonnes du tableau s’intéressent aux élèves très faibles afin de donner des informations sur les individus sous un seuil jugé inacceptables. Les données de la colonne 5 indiquent qu’il faudrait déplacer 30 % des élèves finlandais issus du groupe des 10 % les plus faibles (1er décile) en sciences si l’on voulait une répartition plus proportionnelle dans les différentes écoles du pays (c’est à dire d’élèves faibles dans chaque école). Tandis que pour la Norvège, cela remonte à 37 % et pour la Suède à 36 %. A titre de comparaison, la France est située à 59 %, ce qui démontre sa forte ségrégation scolaire et donc son iniquité. Face à des pays nordiques dont le pourcentage est de moitié moins important que celui de la France ou de l’Allemagne.

La colonne 6 offre le même genre d’information (10 % des plus faibles) mais cette fois-ci, elle se base par niveau à atteindre, entre autres ici c’est le niveau 2 sur les 6 de PISA. Cette fois, la Finlande fait beaucoup moins bien que les autres pays nordiques tel que la Norvège et la Suède, respectivement : 43 %, 27 % et 29 %. La France se positionne à 52 %, et l’Allemagne à 51 %. Les quatre premières colonnes fournissent les mêmes informations mais basées sur la lecture et les mathématiques.

Les colonnes 11, 12 et 13 présentent le décile le plus faible, c’est à dire les 10 % d’élèves les plus faibles et là encore la ségrégation académique est peu importante pour la Finlande puisque sa moyenne du 1er décile est de 413. Tandis que pour la Norvège, il est de 301 et la Suède, il est de 336. La France a une moyenne de 300. De ce fait, ce qu’on peut en retirer, c’est que la Finlande confirme ses bons résultats dû à ses 30 % (colonne 6). Au contraire, la Norvège et la Suède avec 37 % et 36 % les infirmes, voir ils font aussi moins bien que la France, qu’on a reconnu très ségrégationniste avec 52 %. Y-t-il un effet maître qui pourrait expliquer cela ?

Maintenant, on va essayer de voir s’il y a une ségrégation sociale et la comparer entre les pays nordiques, avec un point de fixation sur la France pour pouvoir mieux se projeter sur les chiffres.

Les colonnes 7 à 10 se basent plus sur des caractéristiques personnelles des élèves : la profession des parents (colonne 7), le sexe de l’élève (colonne 8), la langue parlée à la maison, en distinguant étrangers et natifs (colonne 9) et enfin le lieu de naissance des parents (colonne 10).

Pour la langue parlée à la maison, les finlandais ont une ségrégation de 67%, la Norvège de 45 % et la Suède de 53 %, enfin pour la France, elle est seulement de 44 %. On peut expliquer le fort pourcentage de la Finlande sur le fait que les minorités sont concentrées dans certaines zones du pays et donc moins dilué que la France.

Mais pour les professions des parents, la Finlande à 27 %, la Norvège et la Suède a 29 %. Ces résultats sont quasi semblables. Pour la France, son pourcentage est de 34, donc légèrement plus, mais ce qui reste encore assez proche des pays scandinaves.

En conclusion, mon approche serait de dire que la ségrégation sociale joue un peu, tandis que la ségrégation académique est plus importante pour la France, mais celle-ci a des résultats quasi-équivalent à la Norvège et la Suède dans les colonnes allant de 11 à 13, pourtant ceux-ci sont moins ségrégationnistes académiquement. M. Demeuse précise que « les données indiquent que les systèmes qui pratiquent peu la ségrégation académique au niveau des écoles enregistrent des différences sociales faibles (à ce sujet, voir aussi Monseur & Crahay, 2008). Au contraire, les systèmes plus ségrégatifs d’un point de vue académique tendent aussi à accroitre les différences de résultats entre les groupes sociaux. » Il compare la Finlande avec l’Allemagne, où ces résultats mettent en relief son approche (voir tableau, ci-dessus).

Bibliographie :

. Revue Française de Pédagogie n°165 du 4ème trimestre 2008 ;

"Regards sur l'Éducatiion", 2008 OCDE

Les sigles :

         
a : données sans objet   w : données exclues à la demande du pays
m : données non disponiblbes x : inclus dans une autre rubrique du tableau
PIB : Produit Intérieur Brut        
             
             
P 445 Quel est le temps d'instruction obligatoire dans les établissements publics,
  pour 2006 ?          
             
T1 Tranche d'âge dans laquelle + 90 % de Nbre annuel moyen d'heures d'instruction obligatoire
  la population totale est scolarisée 7 à 8 ans 9 à 11 ans 12 à 14 ans 15 ans
Finlande 6 à 18 ans   608 640 777 856
France 3 à 17 ans   910 887 963 1033
Norvège 4 à 17 ans   620 728 827 855
Suède 6 à 18 ans   741 741 741 741
             
             
PP. 446 Quel est le temps d'instruction par matière en pourcentage du temps
et 447 total d'instruction (2006) ?        
             
T2 Lecture Mathématiques Sciences
  9 à 11 ans 12 à 14 ans 9 à 11 ans 12 à 14 ans 9 à 11 ans 12 à 14 ans
Finlande 21 13 18 13 10 17
France 31 16 18 15 5 13
Norvège 23 16 15 13 7 9
Suède 22 22 14 14 12 12
             
             
P. 461 Quel est le nombre d'élèves/étudiant par enseignant (2006) ?  
             
T3     Secondaire    
  Préprimaire Primaire 1er cycle 2ème cycle    
Finlande 12 15 9,7 15,8    
France 19,3 19,3 14,1 9,7    
Norvège m 10,9 10,2 9,7    
Suède 11,4 12,1 11,4 13,8    
             
             
P. 477 Quel est le salaire des enseignants après 15 ans d'exercice, et  
  quel est le % par rapport au PIB par habitant ?    
             
T4     Secondaire
  Primaire % PIB 1er cycle % PIB 2ème cycle % PIB
Finlande 35 798 1,09 38 269 1,17 42 440 1,3
France 31 366 1,01 33 846 1,09 34 095 1,1
Norvège 34 917 0,67 34 917 0,67 37 626 0,72
Suède 30 782 0,88 31 565 0,91 34 086 0,98
             
             
             
P. 233 Quelles sont les dépenses annuelles par élève/étudiant au titre des
  établissements, tous les services confondus (2005), et % PIB par habitant ?
             
T5     Secondaire
  Primaire % PIB 1er cycle % PIB 2ème cycle % PIB
Finlande 5 557 18 8 875 29 6 441 21
France 5 365 18 7 881 27 10 311 35
Norvège 9 001 19 9 687 20 12 096 25
Suède 7 532 23 8 091 25 8 292 25
             
             
  Quelle est la répartition des effectifs scolarisés dans le 2ème cycle,
  selon les filières d'enseignement public et privé (2006) ?  
             
T6 Général Profession. Total en %      
Finlande 35 65,4 100      
France 57 43,1 100      
Norvège 40 60 100      
Suède 45 55,1 100      
             
             
P. 362 Quel est le taux de scolarisation, selon l'âge (2006) ?    
             
T7 Age fin obligation Groupe âge de        
  scolaire + 90 % scolarisé        
Finlande 16
6-18 ans        
France 16
3-17 ans        
Norvège 16
4-17 ans        
Suède 16
6-18 ans        
             
P. 365 Quels sont les effectifs selon le type et le mode de scolarisation (2006) ?
                   
                   
T8 Public Privé Privé Public Privé Privé Public Privé Privé
  subvent.   subvent.   subvent.  
  par l'État Indép. par l'État Indép. par l'État Indép.
Finlande 96,7 1,3 a 95,9 4,1 a 85,9 14,1 a
France 85 14,5 0,5 78,6 21,1 0,3 69,6 29,5 0,9
Norvège 97,7 2,3 x 97,2 2,8 x 91,4 8,6 x
Suède 93,5 6,5 n 92,4 7,6 n 91,2 8,8 n

ZERAIBI Akim